Présence indésirable

Simon était persuadé qu'ils ne passeraient pas la frontière du Pays Perdu, puis il avait senti comme une énorme main le pousser brutalement dans le dos. Il avait eut l'impression de traverser un écran épais, un peu collant, puis s'était senti expulsé vers l'avant.
Et il se retrouvait maintenant à plat ventre sur les larges dalles du sol du relais. Exactement comme la dernière fois qu'il était venu, il n'avait plus sa veste noire, ni les vêtements qu'il portait deux secondes plus tôt. Son âme avait revêtu un pantalon et un débardeur noir, l'un de toile l'autre de coton. Ca mise à part, il avait gardé son apparence de jeune homme, ses cheveux et ses yeux noirs. La dernière évolution apportée par le Pays Perdu, était un étrange entrelas de fines courbes noires, dévorant son bras gauche du bout des doigts jusqu'au cou, s'arrêtant à la limite de la mâchoire.

Le runiste ne s'arrêta cependant pas à ces détails. La porte de la masure était ouverte, sur une silouette aux contours indéfinissables qui semblait le fixer. Simon voulu se lever, sans y parvenir, écrasé par la force incroyable que dégageaient soudain les deux perles luisantes dans le visage du nouveau venu.
Le jeune homme aurait voulu parler, mais il n'en fut pas capable. Et il ne pu le faire, qu'une voix sans timbre ni saveur le coupa, comme une sentence.

"C'est la deuxième fois que tu violes les frontières du Pays Perdu, runiste, et quoique la dernière fois Il est pu obtenir ton pardon, ta chance ne se renouvellera pas!"

Bien qu'il ne fit pas vraiment froid, le désigné frissonna. Il voulut tourner la tête vers le danseur et sa fille, sans y parvenir.
La poigne qui le retenait à terre se raffermie, l'étouffant presque bien qu'il su que ce n'était qu'une impression. Il n'étouffait pas, l'étau était mental. Mais loin de son corps, son esprit était d'une sensibilité accrue à ce qu'il pouvait croire ou non. Et il eut beau tenter de se calmer, il ne parvint pas à retrouver un rythme de respiration régulier.
L'esprit qui les avait abordé, toujours immobile, vrilla ses yeux sur Aymeric et Asträall, fixant autant l'un que l'autre, comme seuls savent le faire les esprits.

"Et vous, sorcier et dragonne, souhaitez vous rester prisonniers de ces lieux pour venir au mépris de toutes les règles de la nature?"

Encore une fois, Simon voulut parler, et encore une fois il en fut incapable. Les esprits étaient nombreux, pourtant peu se montraient aux visiteurs, et il était rare d'en croiser en venant ici d'une autre façon que par hasard. Mais il n'en doutait pas, celui-ci était là de son plein gré et parce qu'il avait senti la frontière se déchirer sur leur passage.
Et il n'était pas du tout content.

La poussée avait déstabilisé la jeune fille. Elle s'était brutalement sentie expulsée vers l'avant au moment où Aymeric leur avait fait franchir la barrière du pays perdu.
Puis par réflexe et pour ne pas s'écraser sur le sol, elle avait déployé ses ailes pour atterir en douceur sur le sol.
Ses ailes?
Comment se faisait-il que...?
Elle tourna la tête, et put voir que en effet, une magnifique paire d'ailes de dragon ornaient son dos écailleuses et trèss fines.
Si elle avait pu se voir, Asträall se serait aperçue que son physique avait bien changé. Ses pieds nus se terminaient par de longues griffes rétractiles, ainsi que ses mains. Son médaillon trônait bien visible sur sa poitrine, ainsi qu'un petit tatouage en forme de clef couronnée.
Elle portait une jupe courte par dessus un bermuda; ainsi qu'un dos nu.
Son visage était le même, sauf pour l'un de ses yeux, qui étaient devenu clairement reptilien, et par lequel elle voyait comme un dragon.
Il y avait pourtant un détail étrange: tout son esprit était dans des couleurs de flammes translucides. Que ce soit sa peau ou ses habits, tous semblait transparent. Ce n'était qu'une illusion bien sûr. Elle était bien là à part entière.
C'est son apparence qui faisait cet effet là.

Les paroles de l'inconnu figèrent l'adolescente.
Ils avaient bafoué une règle?
Elle voulut se défendre, mais un regard de "l'homme" suffit à la clouer sur place, et elle se tut.
Néanmoins quand il s'adressa directement à elle et Aymeric, elle parvint à reprendre partiellement le contrôle d'elle même.
Elle déglutit péniblement, et commença d'une voix hésitante:

"Nous avons fait ça pour... pour trouver un sorcier... nous n'avons pas trouver d'autres solutions... il habite dans une autre dimension alors on... on pensait que le Pays Perdu serait le meilleur endroit pour le retrouver."

Elle jeta un coup d'oeil à l'individu et se sentit immédiatemment mal à l'aise. Elle baissa la tête, ne sachant pas quoi dire de plus et risqua un oeil vers Aymeric, comme si il lui suffisait de claquer des doigts pour arranger la situation.^^

Aymeric se retint de crier mais chuta lourdement sur un sol poussiéreux lorsque son fils les avait propulsé. Son nez avait rencontré directement le vieux plancher, il était à prier pour qu'il ne soit pas cassé vu la douleur qu'il éprouvait. Se relevant difficilement sans jurer avec un effort conséquent de volonté, il sursauta en voyant le changement de sa fille avant de soupirer de soulagement : il l'avait déjà vue en dragon, alors si la métamorphose ne s'effectuait que de moitié, il n'y avait rien d'anormal... enfin, il l'espérait.

Ses yeux croisèrent un autre reflet bleu, semblable au sien. C'était fou d'ailleurs qu'il lui ressemble à ce point. Il y avait même cette petite imperfection dans la pupille dro... oh, c'était un miroir !! Oui, je sais ce que vous pensez, mais 'faut pas se moquer des gens en difficulté, même si c'est drôle. Toutefois, quelque chose le changeait vraiment du point de vue physique. Il était habillé tout de blanc un pantalon assez ample et fin ainsi qu'une chemise en lin totalement ouverte sur son torse nu où était incrusté un tatouage en forme de clef couronnée. Tiens, sa fille adoptive avait le même. A la différence que celui du danseur luisait d'une lumière douce et intarissable. Chaque extrémité de son corps se terminait en de minces filaments d'une couleur aussi pure que lumineuse, se confondant dans une aura aussi mystérieuse qu'apaisante.

En revanche, il ne sentait plus aucun de ses pouvoirs. Bien sûr, il sentait des dons magiques venant de son corps... ais ce n'étaient pas les siens, il le savait. Ne préférant pas s'attarder sur la question, il leva ses yeux bleu saphir sur le nouveau venu. Enfin, les nouveaux, c'était plutôt eux. Vraiment charmant, comme ton. Pour l'accueil, on aurait pas pu faire plus chaleureux. Se faire sermonner alors que ce n'était pas sa faute si on avait violé une règle dont on ne soupçonnait même pas l'existence, cela avait le don d'agacer le chanteur. Cependant, il ne prit même pas attention à cette humeur et resta naturellement poli et calme.

"Nous nous excusons d'avoir violé votre enceinte. Nous avions un formule beaucoup plus... douce pour venir en ces lieux, mais elle m'a été dérobée et nous n'avons pas eu d'autre choix que d'opter pour une autre solution. Il était vraiment crucial pour nous d'accompagner cette jeune dragonne pour la raison qu'elle vient d'énoncer."

Il inclina respectueusement la tête et ce, sans se forcer. Il n'était pas mielleux, ni coulant, ni quoique ce soit d'hypocrite. En fait, aucune particule un tant soit peu maléfique ne semblait pouvoir effleurer l'aura bienfaisante du sorcier. Une douce carapace impossible à effleurer pour tout mauvais sentiment. Tout ce dont il faisait preuve, c'était de la bonne éducation en fonction des convenances. Et si les esprits étaient aussi clairvoyants qu'on le dit, nul doute que celui-là s'en serait aperçu.

Dans un recoin très profond de son âme, quelqu'un regardait.

Simon tenta de hocher la tête pour appuyer les dires de ces compagnons, mais pour la énième fois une force invisible lui plaqua la tête au sol. Il n'avait pas voix au chapitre, c'était clair et net. Si les deux autres n'étaient que des intrus, lui était un ennemi, et la silouhette aux yeux de perle ne semblait pas prête de l'oublier.

Toujours sans faire preuve de la moindre amabilité, l'esprit à la stature massive répliqua avec hargne.

"Et alors? Qu'est-ce que ça peut bien me faire, ça ne change rien! Vous avez quand même enfoncé la frontière! Une chance pour vous qu'elle ne soit pas déchiré, seulement ça n'empêche pas que si vous n'aviez pas la formule, vous n'aviez pas à venir ici!"

Il calla ses poings sur ses hanches, les mitraillant du regard.

"J'espère que rien de plus important ne vous attend là d'où vous venez, parce que vous allez rester ici jusqu'à la fin de vos jours!"

Etrangement, Simon devint blême. Puis un autre personnage entra en scène et bousculant celui qui leur faisait face. Un adolescent, quinze ans au plus.

"Attend laisse moi les voir Poll..."

Il se dressa dans l'ombre de celui qu'il venait de pousser, et observa attentivement les trois nouveaux venus. Lui-même était tout de finesse, aux cheveux un brin ondulés mais surtout gris argent.
Son regard dévisagea tout le monde sans fixer personne, le peu d'excitation qui était apparu sur son visage se dissipa. Il haussa les épaules.
Poll prit ça pour une permission, fit un pas en avant sans même effleurer l'adolescent. D'une musculature effrayante, pas le moindre cheveu sur le crâne. Vêtu simplement, pantalon de toile et chemise. A ses côté, l'adolescent semblait d'autant plus chétif.

"Puisque vous vous êtes invité, vous allez rester ici pendant quelques centaines d'années, le temps que vos corps tombent en poussière. Après on vous renverra. Ca vous laissera du temps pour le trouver votre sorcier!"

Il eut un ricanement sordide. Pas à dire, ce type n'était pas une flèche. Il sortit du relais, alors que l'adolescent les regardait une dernière fois de ses yeux dorés, les détaillant comme si il s'attendait à quelque chose d'autre. Puis il leur tourna le dos, s'apprêtant à partir.

Les paroles de l'individu résonnèrent comme le glas dans l'esprit d'Asträall.
Rester ici pour toujours? A errer dans ce pays étrange dont elle ne savait rien?
Elle sentit de la peur, mais aussi de la colère monter en elle.
En quelques pas, elle rejoignit l'adolescent aux yeux dorés et le saisit par le bras.

"Attendez! Vous ne pouvez pas partir comme ça! Vous avez des règles, il y en a dans toutes les dimesnsions; et c'est bien normal. Les règles sont essentielles pour maintenir la cohésion d'un monde.
Seulement, si nous avons ainsi trangressé votre loi, d'abord, nous l'ignorions, et ensuite nous avons une raison.
Un homme a demandé mon aide. Un homme qui a les yeux d'Or, tout comme toi. Il a contacté Simon ici, au Pays Perdu. C'est pour cela que nous sommes ici. Nous espérons pouvoir le retrouver à partir de votre monde..."

L'adolescente reprit son souffle, défiant le jeune homme face à elle du regard.

"Si vous voulez nous aider, nous vous en serions reconnaissant... "

Peut être que son éclat était totalement inutile. Il allait peut être se moquer d'elle et s'en aller.
Mais qui ne risque rien n'a rien.
Il fallait prendre des risques si elle voulait avancer.
Là, elle avait choisi de tout déballer. Ce n'était peut être pas le choix le plus judicieux, mais il était trop tard pour revenir en arrière.

Mon dieu qu'il n'était pas sympathique, ce bonhomme ! Mais alors pas du tout. Cependant, rien ne parut altérer la sérénité parfaite que respirait Aymeric. Le monde aurait pu s'écrouler que sa paix intérieure n'aurait nullement été ne serait-ce qu'effleurée. Il se contenta de soutenir le regard de cet abominable esprit, en tâchant d'écouter poliment ses paroles, n'émettant aucun geste.

Non seulement il était laid, mais il n'avait rien pour s'arranger côté caractère. Même si les voyageurs n'avaient fourni aucune explication, le résultat aurait été le même, "Poll" les aurait "invité" à demeurer dans ce Trou Paumé, plus communément appelé Pays Perdu. Franchement, avouez que Trou Paumé, ça sonne mieux.

Quelque part dans l'âme du danseur, quelqu'un avait écouté. Quelqu'un réagissait en conséquence.

Le tatouage marqué de noir qui barrait le torse du danseur commença à scintiller aux extrémités, gagnant peu à peu le centre de la clef. Un regard en biais du danseur suffit à stopper cette progression lumineuse sur son corps, un regard très légèrement agacé. Le tatouage redevint instantanément noir de jais.

Sans mot dire, Aymeric observa la scène entre sa fille et le jeune garçon qui venait d'entrer. C'était une mode, les cheveux blancs à des âges aussi juvéniles, ou quoi ? Les bras croisés au milieu de son atmosphère de filaments éclatants, il préféra attendre et ne rien ajouter. Non seulement il n'y avait rien à dire, mais sa fille n'avait pas l'air de requérir son aide. Et puis, même si il l'accompagnait, c'était sa quête. Un curieux esprit d'ingérence dans les affaires d'autrui stagnait dans son âme.

Poll lâcha un grognement sourd et manqua d'envoyer balader la jeune mutante d'un revers brutal, mais un gest fluide de l'adolescent le stoppa net. Ce dernier n'avait fixer qu'Aymeric pendant que la fille parlait. Il avait regardé cette âme inconnu, neutre, calme, impassible. Il sentait la clarté qui émanait de cet homme, accompagné de quelque chose qui avait sûrement échappé à Poll, mais pas à lui.
L'esprit aux allures d'ours avait relâché son attention, et, sans le vouloir, également la pression sur Simon, permettant au runiste de se redresser à genoux et d'enchainer à la suite de la tirade d'Asträall.

"C'est extrêmement urgent! Des vies dépendent de nous, d'elle! Poll, tu connais ce type et c'est pour lui qu'on est là! Tu devrais nous aider si tu ne veux pas que le Pays Perdu disparaisse un jour!"

Il savait qu'il venait de dévoiler certaines choses qu'il avait homis de dire au danseur et à sa fille. Mais bon, la situation exigeait qu'il se montre convainquant.
Et apparement ses mots portèrent, du moins sur Poll, car la brute sembla blémir. Il balbutia quelque chose dépourvu de sens, un nouveau geste de l'adolescent le fit taire. Tout juste sortit de l'enfance, une sagesse infime réchauffait ses yeux d'or dans le glaçial écho du Pays Perdu. Il retira avec délicatesse la main de la semi dragonne de son bras, et, avec la fluidité d'un courant d'air, il s'agenouilla face à Simon. Aucune inquiétude sur son visage, aucun doute, aucune crainte.

"Comment pourrait disparaitre un lieu qui n'existe pas?"

Du bout des doigts, il effleura la marque qui dévorait le corps du jeune ambidextre, laissant une sentation tiède là où il était passé. Comme si la question avait privé Simon de parole, l'adolescent se releva sous ses yeux noirs, ébahis.

"Les règles sont les mêmes pour tout le monde, pourquoi veux-tu faire une exception pour eux?!"

Il ignora l'intervention de Poll, lui lançant seulement un regard, un sourire d'une intense douceur exprimant ce qu'il ne disait pas. Mais bien malin aurait été celui qui aurait comprit ce que disaient ses yeux...
Bien que plus petit qu'Aymeric, il n'hésita pas à lui faire face. Comme il l'avait fait avec Simon, il toucha le tatouage sur la poitrine du danseur, fixant ce dernier droit dans les yeux, sans ciller. Alors que tout semblait condamné au froid et à la brume dans ce triste Pays, un rayon de soleil embrasa les prunelles d'or.

"Mes cheveux d'argent sont le reflet de mon âme. Je suis mon âme, et ici personne ne peut cacher sa nature. Tu vois ce runiste? Cette marque qui lui ronge le corps s'étant sous ses habits, sur toute sa moitié gauche. C'est le mal, ancré dans sa chaire, dans son sang, jusqu'au plus profond de son être."

Sa main glissa pour revenir le long de son corps, et le danseur pu se rendre compte combien le Pays Perdu était glacé, éternellement mort. Et combien cet adolescent était décalé par rapport au monde des esprits, combien de son âme ardente dégagait la tièdeur de la vie.

"Je peux entendre ce que tu penses, sentir ce que tu ressens..."

Quand il détourna son regard de flamme du danseur, ce fut semblable à un brisement de verre, comme si il renvoyait Aymeric à l'atmosphère mortelle des lieux. Avant de s'éloigner du jeune père, l'adolescent se retourna, un dernier regard, un sourire. Pas de paroles, mais pourtant chaque geste exprimaient ses pensées, et le danseur pouvait voir ce qui ne se disait pas.

"Pourquoi fais-tu ça bon sang?!!"

Pas de surprise, pas même un regard. Avait-il seulement entendu les mots de Poll? Le jeune homme approcha d'Asträall, et elle pu ressentir ce que les deux autres avaient senti au touché du garçon.

"Il s'appelle Adrian, c'est un magicien de la dimension Faënaris, ancien rebelle. Laisse moi te raconter son histoire. Un jour, des gens ont prit le pouvoir, ont dominé le monde. Voyant ça, les dieux donnérent aux hommes un moyen de lutter contre les ces gens, pour rétablir l'équilibre. Ils ont donné la vie à une petite fille, mais tout ne c'est pas passé comme ils l'avaient prévu. Plutôt que d'incarner leur unique chance de vaincre, elle est devenue leur désespoir absolu. Alors un homme parmi tant d'autres a supplié les dieux de leur donner une seconde chance. Et les dieux ont accepté, et lui ont transmit une force et un pouvoir semblable à celui de la fillette. Mais il n'était pas l'enfant des dieux, seulement leur envoyé, et il ne pouvait ni la vaincre, ni briser ses chaînes. Il sacrifia tout ce qu'il possédait, son âme, sa vie, pour se consacrer à sa quête. A partir de ce jour il chercha une solution sans relâche, incarnant l'espoir de ceux qui gardaient les yeux ouverts. Seulement il vint à perdre également son corpsn petit à petit. Il avait vendu ses amis, perdu son intégrité. Mais même plongé dans une abîme de douleurs, il garda espoir."

Un vent étrange siffla entre les fissures des murs du relais, semblable aux pleurs d'un étranger. Les yeux dorés de l'adolescent, noyés dans ceux d'Asträall, brillaient non plus de la clarté du soleil, mais d'un voile de larmes cristalines. Il tourna la tête, vers Aymeric.

"Et aux portes de la mort, il comprit où était cette clé qu'il cherchait."

Sa voix se cassa sur le dernier mot, si douce jusqu'à lors.Une fine goutte amère glissa sur sa joue, tomba dans la poussière avec un tintement qui résonna longuement dans le silence de la massure.
Poll ne disait rien, Simon, debout, avait baissé la tête.
Le visage pur de l'adolescent reflettait une tristesse infinie, une souffrance sourde vieille de plusieurs milliers d'années. Son regard d'or, brisé, ne quittait plus le danseur.

Lentement, ses paupières couvrirent la flamme de ses yeux, regardèrent dans l'embrasure de la porte.
Une autre larme s'évanouit, puis, presque sans un bruit, il se mit à pleuvoir.

Ainsi, ce garçon connaissait cet homme, Yeux d'Or...
Et en gros, une fille censée délivrée un pays était devenue une vraie peste... Le jeune avait parlé de chaînes... mais si elle était leur cauchemar, c'était qu'elle devait régner... un sortilège alors... un sortilège qui transformerait son âme en celle d'une personne cruelle.
Et Yeux d'Or - non, Adrian- devait la délivrer.
L'adolescent avait tourné ses yeux vers Aymeric.
Asträall se sentit poignardée par la tristesse de son regard. Tant de douleurs s'y lisaient...
Puis elle comprit autre chose.

"Est ce que... Est ce que Aymeric est la clef que Adrian cherche? Et moi? Je viens faire quoi dans cette histoire?

Elle avait besoin de réponses. Tous lui paraissait bien trop floue et abstrait.
En même temps, elle jeta un oeil sur Simon.
le reflet de l'âme... si l'âme du runiste était aussi noir que ce qu'il disait, alors Simon devait leur mentir, ou les tromper... ou peut être avait-il l'intention de le faire sous peu... ou peut être se faisait-elle des idées...

*Dommage que je ne sois pas télépathe!*

(hrp: c'st court, mais c'était ça ou rien. Alors je me suis dit que vous préféreriez sûrement pouvoir avancer un peu.^^
C'ets le temps du changement de kit à ce que je vois! I love!!)

Aymeric observa la scène, sans dire un seul mot. Le toucher du garçon le laissa de marbre, son regard bleu tâchant de déchiffrer les mystères énoncés par cet adolescent qui devait être bien plus que cela. Il sentit à peine son doigt effleurer son torse, sinuant par les méandres du tatouage gravé sur sa poitrine. Au moment où le contact se rompit, un froid s'infiltra pernicieusement dans ses muscles, gagnant peu à peu chaque fibre de son corps. C'était comme si il se trouvait au beau milieu d'un océan. Il nageait en territoire inconnu, sans savoir où se diriger. Jusqu'à ce que le Destin le plonge dans les profondeurs sombres et glacées de l'univers marin. Cette submersion s'effectuait peu à peu depuis que le jeune homme avait lâché son tatouage.

Ses paroles résonnaient à son oreille d'une telle manière qu'on aurait pu croire à un cri puissant, en paradoxe parfait avec l'atmosphère mortellement silencieuse de la vieille maison et de son environnement. Cette chaleur passagère qu'avait infiltré le garçon montrait réellement l'absence complète de chaleur de cette dimension peu accueillante. Qu'est-ce qu'un garçon tel que lui pouvait faire ici, lui qui n'avait presque rien en commun avec ce monde ?

Au fond de l'âme du danseur, quelqu'un écoute. Les paroles du garçon sont teintées de vérité, il le sent bien. Il ne s'était pas trompé sur le compte du runiste. Les corps d'Aymeric et d'Asträall se refroidissent, quelqu'un les réchauffe d'un sentiment. Au fond de l'âme du danseur, quelqu'un attend dans la lumière.

Un gong retentit dans l'estomac du danseur. La larme ruisselante sur le doux visage de l'enfant semblait lourde, terriblement longue à s'écraser sur ce sol inhospitalier. Les paroles résonnaient en écho fracassant dans son cœur. Son regard bleu croisa celui de sa fille. Avec lenteur, il secoua sa tête dans un sourire rassurant. Son regard, plus expressif que le reste de son corps pour une fois, paraissait vouloir ne faire qu'un avec le sien. Quelque chose de paternel luisait dans ce lien. Non, elle n'était pas qu'un relai. Elle faisait partie de lui, depuis qu'il l'avait rencontrée. Sa mission était liée à lui.

Le jeune homme blond laissa son visage impénétrable se tourner sur l'adolescent, sans émotion aucune. Il s'en approcha puis, sans un seul sourire, il écrasa la larme de sa joue avec un geste doux, presque affectueux. Avec lenteur, il s'écarta et marcha jusqu'à une fenêtre, ignorant parfaitement Poll et Simon. Le runiste pouvait bien faire partie du Mal, il ne le vaincrait jamais. C'était impossible de dominer la pureté qui s'échappait avec douceur du corps du sorcier. Les mains posées sur le rebord d'une fenêtre, il observa la pluie.

Il resta un moment en silence, à décrypter ces innombrables gouttes, torrent de larmes n'ayant jamais coulées. Puissance impossible à stopper. Il tourna la tête, observant son reflet dans cette vitre poussiéreuse et cassée, luisante de ruisseaux humides. Il crut y voir son visage, mais il y vit autre chose. La Beauté était là, il était tombé amoureux d'un être qu'il n'aurait jamais dû aimer. Un sourire douloureux étira ses lèvres, mais il ne pleurerait pas. Jamais.

"Deux clés valent mieux qu'une, Asträall."

Sa voix grave était assurée, inaltérée. Ses yeux de saphir paraissaient contempler ce que de toute manière ils ne reverraient jamais vraiment. Il posa un doigt sur cette vitre, effleurant ce qu'il ne toucherait plus jamais vraiment. Sans regret visible, Aymeric se tourna vers le garçon, et demanda simplement :

"Faites le nécessaire."

Dans l'âme du danseur quelqu'un avait entendu. Quelqu'un se réjouissait. Enfin.

Poll semblait être retourner à l'état de légume, immobile, silencieux. Il connaissait ses limites, son rôle dans cette dimension. Ne rien dire quoiqu'il pense. Même si il ne comprenait pas, même si il n'avait eut aucune explications et qu'il n'en aurait probablement jamais.
Alors, bras croisé sur sa large poitrine, il se contentait de couver l'adolescent du regard, géant protecteur et fidéle.

Simon retrouva l'usage de la parole mais se tu également, bien que fureur sombre s'alluma dans ses yeux noirs. Yeux d'or, Adrian, lui avait présenté les choses d'une façon bien différente... Il n'avait pas eut droit à une version aussi complète de l'histoire. A présent, il le devinait, la situation lui échappait. Et tant qu'ils seraient avec ce fichu gamin aux cheveux d'argent il n'aurait aucun contrôle sur la situation. Seulement il devinait que ce gosse les enverrait au près d'Adrian. Et là il aurait de nouveau la possibilité d'agir. D'avertir les prêtres, ces fameux prêcheurs qu'il n'avait jamais vu, de ce qui se tramait. Mais il ne laisserait sûrement pas le danseur et sa fille parvenir à leur fin.

L'adolescent n'avait pas quitté Aymeric des yeux, quand il s'était avancé, quand il l'avait effleuré... Il écouta Asträall, son père, et attendit quelques secondes, d'avoir reprit le contrôle de lui-même. Parce qu'à cet instant, si il avait essayé d'ouvrir la bouche, il aurait fondu en larmes.
Il ignora le geste affectueux de l'homme, la compassion de la mutante. Il ne voulait pas attacher d'attention à ces choses, si importantes pour eux, si insignifiantes pour lui. Il ne voulait pas espérer de les revoir, ni s'attacher à leurs présences. Il ne les oublierait pas bien sûr, mais eux l'oublieraient. Parce que dès qu'ils quitteraient le Pays Perdu, ils se retrouveraient englouti, submergé par une foule d'événements indépendants de leurs volontés. Et il l'oublierait.
Mais dans un monde où l'on voit l'âme, il est dur de dissimuler le fond de sa pensée. Surtout quand on y vit depuis des annés, des siècles, assez longtemps pour être profondément lié à la dimension. La pluie douce et légère devint une véritable averse. La voix de l'adolescent s'éleva, comme un murmure.

"Asträall, qui te dis que ce n'est pas Aëlya la clé de tes mystères, et non toi la clé de ses chaînes?"

Le jeune homme recula d'un pas, de deux. Son coeur semblait hurler dans sa poitrine, tapant sauvagement contre ses côtes. Il savait que c'était faut, il n'était pas matériel, il ne l'était plus et ne le redeviendrait jamais. Néanmoins il porta sa main à son coeur, car quoiqu'il pensa ou su, ça lui faisait mal. Son regard gagna en force et en chaleur, comme si son âme entière luttait contre la dimension. Il repoussa cette vague qui menaçait en permanence de le submerger. Il ne perdrait pas. Pas aujourd'hui, ces deux inconnus avaient besoin de lui.
Il respira profondément, calme, plein d'assurance, qu'il était loin d'avoir. Ca n'avait pas d'importance. Il tourna la tête vers le runiste et plongea son regard de feux dans celui d'encre.

"Tu vas regagner ton monde et ton corps... "

"Non je reste avec Aymeric et Asträall!"

Il avait presque crié, sa voix tremblait. Il ne voulait pas, ne pouvait pas retourner là-bas, redevenir ce qu'il était... Rien.

"Là où ils vont aller tu ne peux pas les accompagner. Prends tu Adrian pour un imbécile? Il n'a plus rien à perdre, ne l'oubli pas. Il a une longueur d'avance sur toi, et te tueras avant que tu ne les trahisses."

Aucun doute, aucune hésitation... Comment le runiste pouvait ne pas le croire? Il baissa la tête, pinça les lèvres. Il n'était pas déçu. Les échecs, il en comptait tellement qu'au fond... Un de plus ou un de moins. Il releva les yeux sur l'adolescent, et fronça les sourcils, croyant y discerner une nouvelle quête. Avec un soupire, il hocha la tête.

"D'accord."

L'adolescent souria faiblement, regret non formulé, joignit les mains et les mais, les porta à sa bouche. Il souffla en ouvrant ses paumes, vent léger porteur de quelques mots incompréhensibles. Comme une vague dorée, elle enveloppa le runiste tout entier, devint de plus en plus opaque et lumineuse, puis se dissipa comme une brume légère, ramenant Simon dans son corps.
L'enfant aux cheveux argentés se tourna vers Aymeric et sa fille. Un bref instant il les observa l'un comme l'autre, les deux en même temps. Il n'était pas concerné par les autres dimensions. Il ne leur devait rien. Il pouvait les renvoyer chez eux, les aider à poursuivre, les abandonner ici.

Or, exactement comme il l'aurait fait de son vivant, il choisit de les aider. En se gardant à tout prix de se poser la question de pourquoi il le faisait.

"Adrian vous attend."

Contrairement à Simon, qui avait prit la peine de leur expliquer ce qu'il faisait, l'adolescent n'en fit rien. A quoi leur servirait de savoir ce genre de chose?
Il connaissait assez bien les dimensions pour savoir ce qui se passerait si il envoyait leurs esprits là-bas. Il suffisait de connaitre les bons mots, de savoir utiliser le bon pouvoir, pour que le corps suive. Il tissa sa magie autour des deux âmes, silencieusement, sans que rien n'y paraisse.
La pression augementa autour d'eux, les attirant dans le néant qu'ils avaient quitté plutôt, attirant leurs corps dans ce vide entre les dimenions. Un dernier mot de l'adolescent les propulsa vers Adrian.

[hrp: pas moi qui ouvre le prochain topic!!!!!!!!!!!!!!]

[Ayéééé : https://essai-forum.forumsrpg.com/quartiers-f82/aux-racines-du-mal-t420.htm#10693] ^^